
Blandine Serero est une ivoirienne dynamique qui a fait souche en France. Elle est mère de deux enfants. Elle a suivi des études d’hôtellerie et de restauration qui lui ont offert ses premières réelles opportunités professionnelles en France. Actuellement elle exerce la profession d’antiquaire. Quatre éléments bouillonnent intensément dans son esprit : son pays natal, les métiers de bouche – qui impliquent la restauration, l’élevage et la production –, le monde de la culture, et la solidarité internationale. Lorsque l’on secoue tous ces éléments, cela donne La fête de la banane à Paris. La quatrième édition a eu lieu le 16 septembre 2021, à Paris. Elle se veut un trait d’union entre les Parisiens et les petits exploitants agricoles de Côte d’Ivoire et d’autres pays en développement. Thierry Sinda l’a rencontrée.
- Vous avez organisé à Paris, le samedi 16 septembre 2021, la quatrième édition de La fête de la banane. Pouvez-vous nous éclairer sur ce concept que vous avez initié?
B. S. J’ai initié La fête de la banane pour mettre en avant les différents types de bananes qui existent dans le monde, et les différentes façons de les préparer. Cette réflexion est venue d’un constat : la banane plantain qui coexiste de plus en plus en France aux côtés de la banane douce – du fait de la présence d’une importante immigration africaine – est mal connue des Français de France. Les migrations sont, sur le plan culinaire, une offre nouvelle pour le pays d’accueil. Il faut se souvenir des premières nems asiatiques dans les années 1980, lesquelles font aujourd’hui partie intégrante de la cuisine des grandes villes de France. On pourrait dire la même chose du couscous du Maghreb. L’alloco de Côte d’Ivoire est aussi en passe d’obtenir un petit droit de cité en France, on le retrouve déjà au menu de tous les restaurants de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale. Notre but est donc d’élargir l’offre culinaire en direction des français des grandes villes de France. Ce qui par voie de conséquence est un soutien des produits agricoles de petits agriculteurs du monde entier. C’est ainsi que nous avons entre autres comme partenaire Artisans du monde Paris, présidé par M. Jean-Paul Vanhoove, qui s’inscrit dans le commerce équitable, c'est-à-dire favoriser la vente de produits de petits agriculteurs du monde entier sur le marché français. Notre journée de La fête de la banane contribue à créer des opportunités en direction des petites exploitations agricoles familiales d’Afrique et d’Amérique latine, et d’Asie.
- Votre journée de la banane a donc une implication sur l’agriculture en Afrique ?
B. S. Oui de manière modeste, nous apportons dans un vaste système notre modeste contribution. Notre but en Afrique est de promouvoir une agriculture familiale saine et durable – en France ce type d’agriculture est étiqueté bio –. C’est ainsi que nous appuyons, avec nos petits moyens, l’entreprenariat coopératif agricole. Nous encourageons la création de coopérative agricole pour que les petits agriculteurs soient plus forts tant dans la récolte que dans la négociation de la vente nationalement, ou dans le circuit du commerce équitable dans lequel nous sommes désormais impliqués à Paris. Ce sera un regain de revenus pour les paysans organisés en coopérative. Au moment où beaucoup de jeunes sont déclassés ou désœuvrés dans les quartiers populaires et insalubres des mégapoles africaines, nous pensons que la réussite de l’entreprenariat coopératif agricole pourrait les amener à revenir au village, à s’investir dans les métiers de l’agriculture et de l’élevage, à gagner un revenu décent, et vivre dans un environnement sain. Non seulement cela évitera l’exode rural vers d’improbables et instables petits emplois des grandes villes d’Afrique, mais encore cela contribuera à mettre un coup d’arrêt à l’immigration clandestine dans les « paradis du nord » via des pirogues de fortunes ! Nous ne sommes pas dans la recherche de profits financiers personnels, nous sommes au service d’un profit collectif, au service des petites exploitations agricoles familiales. Nous nous inscrivons dans l’économie sociale et solidaire. Celle-ci a déjà trouvé toute sa place dans les pays industrialisés du nord, en France, par exemple, les coopératives représentent 40 % de la production agro-alimentaire.
-Comment c’est déroulé la quatrième journée de La fête de la banane ?
B. S. La fête de la banane est une fête culinaire, de découverte culturelle, d’échanges, de réflexions et de débats. Nous avons été parrainés par la mairie du 14e arrondissement de Paris, laquelle a mis ses locaux, des barnums, et une sono à notre disposition. Nous en savons gré à Madame la maire Carine Petit. La fête de la banane avait trois volets : culinaire, culturel et de débats. Le volet culinaire a réuni près d’une trentaine d’associations défendant le patrimoine culinaire de différents pays ou régions. Les plats à base de banane ont été déclinés selon les divers us et coutumes du pays. Voici quelques unes de ces recettes : l’alloco poisson et poulet (CLM de Côte d’Ivoire); riz sauce banane et pâtisseries à la banane à la marocaine (Association des femmes de Châtillon 92); préparations à base de banane à l’Algérienne (Akima association algérienne); crêpes à la banane façon Somalie (Mariame) ; riz banane ( Mauritanie Arempes) ; plats à la banane à l’antillaise (Les délices de Fabu); plats brésiliens avec banane (Alegria Brasil) ; beignets de banane à l’indonésienne (Indonésie association d’entraide et de solidarité ); plats banane à l’indienne (Comptoir de l’Inde). D’autres pays présentaient leur gastronomie nationale sans y inclure la banane : Madagascar (Malala Association); l’Equateur (Gloria Association Equateur). A côté des ventes de plats et de produits culinaires, des ateliers de cuisine ont été animés par ces diverses associations. Le volet culturel réunissait divers stands d’artisanats de différents pays et des prestations musicales assurées par les groupes Mims de Madagascar et Raices andinas de l’Equateur, et par la chanteur Denise Sauron. Le volet débats consistait en trois tables rondes sur « le commerce équitable et l’agriculture durable » présidées par Sidonie Parisot (adjointe au maire du 14earrondisseement de Paris) et modérés par Jean-Paul Vanhoove (Président d’Artisans du monde Paris). Nous avons essayé de faire en sorte que la quatrième édition de La fête de la banane soit riche, diverse et pleine d’enseignements. Ce fut de l’avis général un véritable succès d’estime !
Propos recueillis par Thierry Sinda
Photos / légendes
Photo 1 : Blandine Serero
Photo 2 : l’Affiche Fête de la Banane 2021