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Tchad : Idriss est mort, mais Déby Itno reste au pouvoir

Publié le Mardi 20 Avril 2021
Tchad : Idriss est mort, mais Déby Itno reste au pouvoir

Président du Tchad depuis 1990, Idriss Déby Itno est mort ce mardi 20 avril des suites de blessures reçues au front, selon le porte-parole de l’armée. Quelques heures plus tôt, la Commission électorale avait annoncé sa réélection pour un sixième mandat avec 79,32% des suffrages exprimés. Il avait 68 ans.

Que s’est-il passé ? Idriss Déby Itno se trouvait-il réellement au front comme l’a annoncé l’armée ? Quoi qu’il en soit, un Déby succède à un… Déby. Frontières aériennes et terrestres fermées, gouvernement et Assemblée nationale dissous, tous les signifiants d’un coup d’Etat réussi sont visibles. Nul besoin d’être sourd et muet pour ne pas y croire. Sinon pourquoi n’a-t-on pas respecté la Constitution ? (Article 81 : En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif constaté par la Cour Suprême saisie par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les attributions du Président de la République, à l’exception des pouvoirs prévus aux articles 85, 88, 95 et 96 sont provisoirement exercées par le Président de l’Assemblée Nationale et, en cas d’empêchement de ce dernier, par le 1er Vice- président. Dans tous les cas, il est procédé à de nouvelles élections présidentielles quarante cinq (45) jours au moins et quatre vingt dix (90) jours au plus, après l’ouverture de la vacance./ Article 82 : Le Président de l’Assemblée Nationale assurant les fonctions de Président de la République ne peut ni démettre le Gouvernement, ni procéder à la révision de la Constitution, ni dissoudre l’Assemblée Nationale.)

 La France, engagée au Tchad avec l’opération Barkhane, a aussitôt pris note du nouveau « Conseil militaire » qui dirige Déby-fils pour une durée de 18 mois. Bonjour la dynastie ! Nul doute qu'il sera candidat à la prochaine élection présidentielle, à moins de 40 ans. Nu doute qu'il remportera haut la main cette nouvelle mascarade à venir. Quel message a-t-on envoyé à des peuples martyrisés par des régimes tyranniques tels le Congo, le Cameroun, le Gabon, etc, des peuples qui espèrent depuis Mathusalem des alternances démocratiques ? « Un dictateur qui meurt de sa belle mort, accidentellement ou violemment, sans que ce ne soit une occasion aux pro-démocrates de prendre le pouvoir, c'est juste déshabiller Paul pour habiller Pierre, un jeu de quilles, un jeu à somme nulle », juge Antoine Page Kihoulou, opposant congolais.

La France, dans son communiqué, a salué « un ami courageux » pour avoir « œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et la stabilité de la région ». Cet argument, feu Idriss Déby Itno s’en servait pour régner dans la terreur sur son peuple. Comme si lui seul était capable d’assurer la paix au Tchad. Comme si lui seul savait prendre les bonnes décisions dans la lutte contre le terrorisme.      

Le maréchal Idriss Deby ne faisait plus l’unanimité au sein même de son clan

Dans cette perspective, est mise en exergue l’armée tchadienne. Mais de quelle armée parle-t-on ? Idriss Déby Itno disposait des "guerriers" comme on dit. Pas de soldats, c'est-à-dire de vrais militaires. C'est son clan armé qui était privilégié, et non l'armée tchadienne disloquée. « L’armée du Tchad joue un rôle central dans le dispositif international de lutte contre le terrorisme au Sahel, mais elle est en même temps une source d’instabilité potentielle pour ce pays. Les différences de traitement entre les troupes d’élite et les autres soldats ainsi que le manque de représentativité régionale et ethnique aux postes de commandement minent sa cohésion. Par ailleurs, ces dernières années, des dissensions inhabituelles ont vu le jour. Certains officiers ont en effet refusé de combattre leurs « parents » rebelles et d’autres, certes peu nombreux, ont publiquement critiqué la gestion des affaires militaires. De nombreux Tchadiens s’inquiètent des risques de succession violente et de luttes au sein d’une armée divisée si le président Idriss Déby Itno, âgé de 68 ans, devait quitter le pouvoir. Les autorités tchadiennes, avec l’aide de leurs partenaires, devront, dans les mois et années à venir, chercher à répondre aux mécontentements qui existent au sein de l’armée, améliorer sa représentativité et surtout identifier des garde-fous pour éviter une transition violente », lit-on dans un rapport de Crisis Group. Aucun doute, il fallait éviter une succession sanglante entre partisans d'Idriss Déby Itno. Hélas ! Elle a eu dans le sang... 

Selon une source tchadienne de la Direction générale de service de sécurité des institutions de l’Etat (DGSSIE), que cite Jean-Jacques Wondo Omanyundu, Expert des questions sécuritaires de l’Afrique médiane, le président Deby aurait été victime d’un règlement de comptes par son propre entourage. Sa garde rapprochée… Le cas Yaya Dillo, cousin d’Idriss Déby Itno, en fuite depuis le 01 mars alors qu’il s’était porté candidat à l’élection présidentielle, est symptomatique de ces tensions qui régnaient au sein de la famille. D’autant la mère – la tante donc de Déby – de Yaya Dillo a été exécutée. Cet acte ne pouvait pas ressouder la famille, dont une partie a soutenu les rebelles.

Autre hypothèse : à l’allure où les rebelles avançaient, la crainte de la perte du pouvoir était lancinante. Alors il fallait prendre une décision radicale. Un ancien président congolais a lui aussi connu ce sort : « Tu avances, nous avançons ! Tu recules, nous t’abattons !... » Il est presqu’acquis que le Tchad a connu ce mardi 20 avril 2021 une révolution de palais.

Entrecongolais.com

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