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Roman : « La mort moderne » de Carl-Henning Wijkmark !

Publié le Lundi 28 Décembre 2020
Roman : « La mort moderne » de Carl-Henning Wijkmark !

Johan Carl-Henning Wijkmark est un écrivain suédois disparu en septembre dernier à l’âge de 86 ans. Avant La mort moderne, il était connu en France pour son roman La Draisine, un conte philosophique.

La mort moderne (Rivages) est une réédition, « avec une postface de l'auteur écrite en mai 2020 - quatre mois avant sa disaprition -, dans laquelle il fait un parallèle entre sa dystopie et la pandémie de la Covid-19 telle qu'elle fut traitée en Suède (pour lui un scandale car on aurait fait passer l'économie avant la vie humaine : mortalité la plus haute au monde proportionnellement à la taille de la population : 4 000 victimes en mai) » !

Sa première parution date de 1978, en Suède, où le scandale avait été immédiat. Et pour cause : ce court roman traite d’un sujet délicat, la fin de vie. Mais une fin de vie « imposée » ! Il s'agit de décider d’un âge où chacun devrait mourir, pourquoi pas 70 ans, car la vieillesse, du point de vue économique, est couteuse. D’autant que la crise économique est loin d’être résorbée. « Nous naissons tous au même âge, n’est-ce pas, pourquoi ne pourrions-nous pas alors aussi tous mourir au même âge ? » Economistes, historiens, théologiens, médecins, etc, se retrouvent donc dans un colloque sur « La phase terminale de l’être humain ». Le but est de faire comprendre à la population que la vieillesse et les malades incurables sont nocifs à la vie économique du pays et qu’il est impératif d’y mettre un terme. Pour ces experts, « le caractère intangible de l’existence humaine ne saurait valoir au-delà des limites des moyens permettant de l’assurer ».

Cette étrangeté narrative, ou plutôt théâtrale, puisqu’elle est une suite de dialogues, nous renvoie brutalement à l’actualité de la crise sanitaire, de la Covid-19… A bien des égards, on est ici dans une dystopie où se jouent « l’utilitarisme bienveillant et le besoin de sécurité des sociétés modernes ».

La mort « imposée » aux vieux et aux autres malades incurables devenus économiquement improductifs s’apparente à des assassinats légaux ! Mais au-delà de cette provocation, l’intérêt particulier de ce roman porte sur le sens à donner à la vieillesse. Dans Aurore, Nietzsche déjà estimait que les faiblesses de la vieillesse pouvaient conduire à donner du sens à ce qui n’en a pas. Le quatrième âge ne devrait pas déboucher sur un morne enfer.

Bedel Baouna

La Mort moderne, de Carl-Henning Wijkmark (176 p., 18 €, traduction de Philippe Bouquet, postface inédite de l’auteur)

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