
Le débat sur le changement ou non de la Constitution du 20 janvier 2002 a réconcilié, tant soit peu, les congolais avec la politique. Ils participent au débat à travers les réseaux sociaux. Ce qui est d’autant plus nouveau car depuis, quelques années, ils avaient pratiquement tourné le dos à la politique coupable, pour certains, d’avoir plus apporté le malheur que le bonheur. Au Congo, les rapports entre la politique et les citoyens ont été une succession d’espoirs et de désillusions à tel point que, dans la conscience populaire, politique signifie tout simplement ‘’mensonge’’ !
L’histoire du pays est faite de périodes d’engouement politique et de périodes de désintéressement. La Conférence Nationale Souveraine est, sans aucun doute, le moment d’euphorie politique le plus marquant de notre histoire. En 1991, lorsque le régime rouge est au tapis après des années d’oppression et de voix unique, les congolais reprennent espoir et s’intéressent à nouveau à la chose politique. Les débats de cette rencontre sont suivis partout même jusque dans les salles de classe. Pourtant, ce qui devrait être le début d’une ère démocratique, se révèle être le début de nos divisions. La politique venait ainsi de réveiller les vieux clivages ethniques endormis pendant les années du pouvoir unique. La politique n’est pas simplement associée au mensonge mais aussi à l’ethnie.
Dans leur ensemble, les congolais choisissent leurs leaders non pas par leur capacité à diriger le pays mais plutôt par leur appartenance ethnique. Les antagonismes ethniques séculaires gagent le terrain politique, les oppositions politiques (UPADS et MCCDI notamment) se transforment en vraie rivalité ethnique. Ce qui nous a conduit tout droit à la période de troubles que nous avons connue au cours de cette décennie. C’était un retour brutal dans le passé car, déjà en 1959, une année après la création de la république, des incidents tragiques avaient éclaté à Brazzaville. La rivalité des deux partis (UDDIA et MSA) était déjà la cause de ces massacres.
Pour ne plus revivre ces atrocités, les congolais ont cessé de s’intéresser à la politique. La politique n’était plus simplement un ‘’mensonge’’ mais ‘’cause de division et de massacres’’ ! Se désintéresser était une façon de faire le deuil et oublier. C’est aussi une période de peur, de délation et de règlement de comptes ! Ce désamour est flagrant au début de ce siècle et c’est à partir de 2007 que l’on remarque à nouveau un regain d’attention pour les questions politiques. Les élections législatives de 2007 suscitent un vif intérêt et les congolais sont nombreux à s’inscrire et prendre le chemin des urnes. Les fantômes du passé semblent alors très loin. Mais c’est de courte durée ! Une fois de plus, l’espoir est déçu, les résultats ne reflètent pas les votes et les citoyens le prennent très mal. Ils restent silencieux et ne se bousculent pas pour les présidentielles de 2009 et les législatives de 2012.
Il a fallu, donc, attendre 2014 avec le débat sur la Constitution de 2002 pour que les congolais se réapproprient à nouveau la politique et s’intéressent au débat. Les réseaux sociaux jouent un grand rôle dans ce renouveau. Plus anonymes, ils délient les langues et limitent la peur que l’on pourrait ressentir à donner son avis. L’absence d’une vraie liberté d’expression et de manifestation, pourtant garantie par la même Constitution, est l’une des causes de la méfiance des congolais à parler de la politique. Cet engouement ne fera que grandir au fur et à mesure que l’enjeu de 2016 approchera. Ce qui est plutôt bien pour la construction de l’état car pendant des années, les congolais avaient oublié que ‘’si tu ne t'occupes pas de la politique, la politique s'occupera de toi’’ ! En effet, Pendant qu’ils hésitaient et se désintéressaient de la politique, ils laissaient le champ libre aux autres concitoyens, sans scrupules et surtout sans capacité de gérer, de conduire les affaires de l’état. Le résultat est ce que l’on voit aujourd’hui, une classe politique éloignée des vraies questions des citoyens et plus préoccupée par la réussite personnelle.
Ce regain d’intérêt des congolais pour la politique ne peut être qu’une bonne chose. Ce qui montre que les congolais ont décidé à juste titre d’être des citoyens acteurs et de participer.
Anthony Mouyoungui