
En demandant à cor et à cri un « dialogue inclusif sous l’égide de la Communauté internationale », tout en y mettant des conditions, l’opposition congolaise s’embourbe dans une contradiction pathétique et commet, du coup, une faute à la fois morale et politique. Explications.
La démarche de l’opposition congolaise, en particulier celle du FROCAD-IDC, si l’on n’y prend pas garde, pourrait bien faire de la crise politique que vit le Congo une bonne blague. Certes à un moment ou à un autre, il faut savoir sortir de la crise! La crise n’est pas, pour paraphraser l’ancien premier ministre français Pierre Mauroy, comme une maladie dont on ne peut pas sortir : elle est comme une sorte de nouvelle naissance. Mais, à Brazzaville, cette crise pourrait ne pas être une nouvelle naissance... Car l’enfant à naître ne semble exister que dans l'imaginaire de l'opposition congolaise. Quelle est la finalité du dialogue que réclame l’opposition congolaise? Permettre à Sassou de quitter le pouvoir sans heurt ou de l'y maintenir avec un gouvernement d’union nationale? En tout état de cause, le dialogue à venir, si tenté est qu’il ait lieu, ne suscite pas l’enthousiasme, ni une adhésion ferme de la part de nombre de Congolais.
Il ne s’agit pas de chercher des poux dans la tête de Charles Zacharie Bowao, non. Le coordonnateur des plateformes de l’opposition est éthicien : il connaît le sens et le poids des mots. « Etonnant à quel point tous les "envoyés", tous les "médiateurs" qui se succèdent au Congo ne nous demandent qu'une seule chose, à nous leaders de l'opposition : reconnaitre la "victoire" volée du dictateur, de l'usurpateur, du putschiste Denis Sassou Nguesso » écrit-il sur sa page Facebook. Et de poursuivre : « Les "envoyés", "médiateurs", "délégations" se succèdent jour après jour. Pourquoi tant de pressions de la part de celui qui prétend avoir été élu à plus de 60%? (…) Nous, opposition, vrais démocrates, ne céderons pas (…) En ces heures terribles pour notre pays, mes pensées vont à ceux qui souffrent de la dictature, ceux qui ont perdu un être cher dans ces combats, à ceux qui subissent la répression, la torture, à ceux nombreux, disparus, à ce qui ont été obligés de fuir, à nos nombreux morts, trop nombreux. Le jour viendra, prochainement, où les responsables, les coupables, devront rendre des comptes devant le peuple congolais et affronter la justice. Le peuple congolais aspire à la paix, au changement, à l'alternance. » L’alternance ! Le mot est lâché. La question qui se pose et s’impose est celle de savoir si le tricheur s’en ira par le dialogue inclusif. A priori, ce n’est pas gagné d’avance car, à fortiori, Sassou n’entend que sa propre voix ou celle de ses enfants.
Comme le rappelle Bowao, Sassou a perpétré un hold-up électoral : c’est un « usurpateur ». Sa place est donc sur les bancs de la justice. La morale veut qu’on ne dialogue pas avec un « voleur » mais qu’on le fasse arrêter par la police.
Du reste, c’est une contradiction que de demander un dialogue inclusif tout en y mettant des conditions. C’est comme si on courtisait une femme tout en lui imposant des conditions. Toutefois, la question est légitime : à quelles conditions peut s'instaurer un dialogue de bonne foi entre le pouvoir illégitime et l’opposition légitime? A quel moment un dialogue est-il véritable? D’ores et déjà, ce pré dialogue a pris la tournure d’un combat de mots, souvent assortis d'effets rhétoriques ordonnés à la visée de domination. "Avoir le dernier mot" semble l'emporter. Du coup, on assiste à un « égarement des contraires », à une juxtaposition de propos sans références communes, à un dialogue de sourds. Or le dialogue n'est pas une joute verbale ; il est un moyen de reconnaître ses faiblesses.
«Le dialogue est la recherche du vrai, il délivre de l'ignorance, or tel qu’il s’annonce au Congo, il n’implique pas le respect de deux principes, à savoir le respect de l’autre et le respect de la vérité des faits», analyse un sociologue congolais de France, avant de conclure : «Dans la mesure où le pouvoir de Brazzaville n’acceptera jamais la vérité des faits, tout est voué à l’échec. La solution à la crise congolaise passe par la politique...»
L’opposition semble oublier que le temps joue en faveur de Sassou. Ce dernier pourrait toujours décider de la tenue de ce dialogue à une date où la pression sur son pouvoir s’essoufflera. Ce serait alors trop tard : depuis son investiture, les jours et les mois passent! Il est toujours là! A ce rythme, il pourrait encore avoir de beaux jours devant lui.
Bedel Baouna
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