
Un public prestigieux, cosmopolite et pléthorique a assisté à la dédicace des livres de Claude Ernest Ndalla, dans la Salle Eiffel de Timhôtel de Paris Porte de Clichy. Le patriarche est revenu sur le procès de 1986 et le poème « Un village qui jamais ne meurt », qu’il a expliqué et commenté sans phraséologies stéréotypées.
Le 3 août 1986, s’est ouvert à Brazzaville devant la Cour révolutionnaire présidée par Charles Madzou, le procès des attentats aux explosifs au cinéma Star et à l’aéroport de Maya-Maya de 1982. Sont accusés « d’adhésion à une secte ou groupement interdit, complot, complicité d’attentats, de tentatives d’attentats, d’assassinats, de destruction d’édifices et fabrication, acquisition, port, transport, cession et détention des matériels, armes et munitions de guerre », Claude Ernest Ndalla-Graille, Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, Jean-Gustave Bouissou, Blaise Nzalakanda, Daniel Biampandou, Gaspard Kivouna et Claude Kembissila, etc. Un procès dostoïevskien.
Oui, quiconque a lu Crime et châtiment de Dostoïevski - une procession de prolepses et d’adverbes de temps ; un chant d’acuité d’analyse psychologique – fera sans aucun doute le lien entre ce roman et le procès de 1986. Et pour cause : dans le roman de l’immense écrivain russe, trois scènes d’anthologie entre le procureur et l’accusé, font vibrer le lecteur. L’un fait tout pour obtenir des aveux ; l’autre fait tout pour lui faire renoncer à son entreprise... Charles Madzou dans le rôle Porphyre et Ndalla Graille dans celui de Raskolnikov. Un face-à-face viril. Séquences : « Monsieur Ndalla, pourquoi étiez-vous inquiété au moment des explosions ? » demande Charles Madzou d’un ton martial. "« Je n’étais pas inquiété, j’étais inquiet », répond Ndalla Graille du tac-au-tac. Le magistrat écarquille ses yeux, avant de poursuivre : « Monsieur Ndalla, vous dîtes que vous étiez là au moment où le PCT a été fondé. Pourquoi en avez-vous été exclu ? » « Le mouton a vu naître Jésus Christ. A-t-il accès à l’église ? » Répond Ndalla Graille, imperturbable...
Le procès avançant, Okotaka Ebalé évoque un poème écrit par Ndalla Graille en prison, à Impfondo en 1978-1979, pour prouver ses activités terroristes. Ce poème, il s’agit d’ « Un village qui jamais ne meurt ». Et c’est Alexis Gabou qui le lit. Extraits: "...Congo cou tordu, voie cou coupé/Congo pleure ses morts innombrables/Des tonnes, des tonnes de Macabées/Congo pleure de faim/Les fins de mois sont devenues/Des jours de faim de fin… »
Ndalla Graille rétorque que ce poème n’est rien d’autre qu’une métaphore ; ce village qui jamais ne meurt est sa propre représentation. « Même dos au mur, je demeure présent... Je ne m’abats jamais, je crois en l’avenir », se justifie-t-il. Et le patriarche d’ajouter que le titre du poème est une traduction d’un poème vietnamien paru en anglais, The village that would not dies ou A village which never dies.
Ecrire, n’est-ce pas être spéléologue, c’est-à-dire descendre dans la grotte de son inconscient et subconscient pour faire remonter ce qui y gît ? L’écriture commence par la retranscription de SOI ; SOI est un océan à explorer au quotidien. C’est dans ce noble but que Claude Ernst Ndalla baigne dans les eaux ouatées et fascinantes de l’écriture.
Au grand plaisir des lecteurs, ce poème a été édité de nouveau dans Dipanda, la vie dangereuse (L’Harmattan), présenté au public à Paris ce samedi 25 juillet, dans la Salle Eiffel de l’hôtel Timhôtel, juste à la sortie du métro Porte de Clichy. Au mieux de sa forme pour l’occasion, le patriarche s’est prêté au jeu des questions/réponses sans faux-fuyant, sans détour. Une dédicace parfaitement réussie, d’autant que plusieurs personnalités congolaises ont fait le déplacement de Paris pour écouter non pas l’homme politique mais l’écrivain Claude Ernest Ndalla.
Bedel Baouna