
Déjà auteur d'un livre épais, Histoire Politique du Congo-Brazzaville, Simon Batoumeni, fin observateur et connaisseur de l’histoire politique de son pays, a récidivé en 2021 avec un nouvel Essai, Vues de l'intérieur/Réflexion politique sur le Congo-Brazzaville (CS Editions). Incisif ! Époustouflant !
Simon Batoumeni ne tourne pas en rond. Pas de paraphrase ni de feinte argumentative. Pas question non plus de « mal nommer les choses » au risque « d’ajouter à la misère du monde ». Oui, « le Congo est dans l’impasse », écrit-il d’entrée de jeu. Et de poursuivre : « Sur tous les plans, la machine est enrayée.»
Cri de colère. Au fil des pages, dans un style fluide et sans concessions, Simon Batoumeni déroule la litanie des maux qui minent le Congo. Entre autres, la qualité des femmes et des hommes qui se disent « politiques ». « Le personnel politique actuel est pour l’essentiel issu de la matrice PCT-UPADS-MCDDI, une troïka sans éthique politique et nourrie de violence, trois organisations qui n’ont jamais offert une quelconque perspective à la Nation, dont le but à peine caché est la suprématie ethnique. Les opposants sont, pour un grand nombre, des rejetons de la l’ancien parti unique. » Évidemment, avec une telle offre politique, des gens sans visions, sans personnalité, l’alternance politique est à des années-lumière. Que peut-on attendre, par exemple, d’un ministre et gendre du Chef de l’État, dont la première décision, puérile à souhait, fut de justifier « les déboires répétés de l’équipe de l’équipe nationale de football au nouveau stade de Kintélé par le mécontentement des propriétaires fonciers, qui n’avaient pas reçu la totalité de la somme convenue pour la cession du site » ? Soit-dit en passant, une séance de désenvoutement fut organisée, après règlement du restant dû.
Oui, l’un des problèmes gravissimes du Congo, c’est que le pays reste à jamais un désert de fortes personnalités. Tout le monde ou presque se définit par rapport à Sassou, tout le monde ou presque ne s’attèle qu’à flatter Sassou, au lieu d’articuler une stratégie performative. De fait, on en vient à créer des associations bidon, parce que « fonder une association « Denis Sassou-Nguesso restera au pouvoir éternellement » est plus sûr et rentable. Le business n’est souvent qu’u palliatif, un plan B, en attendant de trouver un emploi rémunéré, sinon la source escomptée de revenus complémentaires. » (p147)
Il est curieux de constater que personne au Congo, parmi la foule de pseudos hommes politiques, ne conteste fortement, l’analyse fallacieuse de ces thuriféraires patentés, qui consistent à ressasser tels des perroquets affamés que la crise – le mot est faible – que vit le Congo est conjoncturelle. Une défausse immonde. Or « la crise financière n’est pas la cause, mais le révélateur. Faute d’avoir construit une économie dynamique et équilibrée, le pays n’assure pas la sécurité matérielle et sanitaire de ses habitants.» Un constat d'autant plus vrai, d'autant plus juste que « Les crises sont le lot de tous les peuples, mais un saccage aussi continu, une autodestruction aussi obstinée défie l’imagination. (…) La thèse de la manipulation par les forces néocoloniales ne tient pas. Pas comme causalité exclusive en tout cas. Le génie propre des Congolais doit être convoqué. Plus exactement leurs failles intellectuelles, psychologiques et mentales. » (p146)
Tout est dit dans ce paragraphe pertinent. Le problème du Congolais reste sa glaciation intellectuelle. Et on a envie de convoquer un ancien Prix Goncourt, Jonathan Littel, dans son roman Les Bienveillantes : « Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi. Et puis, le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu'en faire ?»
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