
Trait d’union entre les deux Congo à l’instar de Sony Labou Tansi dont on vient de fêter le vingtième anniversaire de la mort, chroniqueur littéraire et l’un des initiateurs des rencontres « Palabres autour des arts », Joss Doszen est épris de littérature, aussi tente-t-il de faire de sa passion une vocation. En septembre 2014, il a publié Pars mon fils, va au loin et grandis aux éditions Athéna.
Roman, récit ou autre chose ? Difficile de donner un statut à ce livre. Mais supposons que c’est un roman. L’histoire : le narrateur, homme de paroles et papotages, a trouvé son salut dans le départ, le déracinement, le voyage. Pour l’accompagner, il emporte son jardin secret, son confesseur, son défouloir : ses calepins. Il veut tout consigner, et pourquoi pas écrire ?… « Je devrais être capable de mettre sur papier au moins les mêmes conneries que ceux qui remplissent certains de mes livres. » (Très belle phrase) Aucun doute, avec un peu plus d’application, Joss Doszen deviendra grand. Il se dégage de son livre une once littéraire. Pars mon fils, va au loin et grandis brille, surtout, par l’émiettement de l’espace et la dislocation du temps. Des techniques qu’utilisent les écrivains latino-américains, Pablo Neruda, Vargas LLosa, Julio Cortázar, etc. (« Tous les feux, le feu », « Façon de perdre », « Nous l’aimions tant, Glenda », « Fin de jeu », etc. On sursaute de joie en lisant ces livres pour les techniques de construction. La dislocation chronologique du récit qui aboutit à un émiettement du temps, ou le narrateur se déplaçant dans le temps, c’est l’une des caractéristiques spécifiques des lettres latino-américaines. A quelques nuances près, au Congo on retrouve cette technique chez Emmanuel Dongala). Le livre de Joss Doszen fait en effet penser à Tours et Détours de la vilaine fille de l’immense Mario Vargas Llosa.
Le problème est que Joss Doszen ne s’est pas pris au sérieux. Il s’est éparpillé et a voulu joué à l’enfantillage. Le style se voulait drôle, émaillé, avec des trouvailles d’expressions. Hélas ! Trop de fautes de style et de langue. Ses propositions subordonnées sont kilométriques et mal ficelées, encombrées. Très souvent, Joss Doszen confond phrase longue et phrase périodique. On a envie de rugir devant l’absence presque totale de figures de style et de construction.
Le récit fourmille de clichés, de lieux communs… Cela dénote une certaine incapacité à ne rester que romancier, concentré et appliqué. Parfois on a le sentiment qu’on lit un Essai. Tous les sujets y sont abordés : immigration, migration, logement, chômage, etc. Il s’éternise trop sur les filles, à croire que c’est un obsédé sexuel. Un fourre-tout pathétique. Les pages qui vont de 21 à 24 d’une nullité et d’une inutilité épouvantables.
Il énerve le lecteur par la brutalité des coupures à certains endroits. Sans doute a-t-il voulu faire aussi du Stendhal, lequel coupe le son au milieu d’une scène : on n’entend plus le dialogue et on suit la pensée secrète d’un personnage. Chez Joss, c’est pour nous embarquer ailleurs. Pour preuve, quand le narrateur se retrouve dans une voiture avec une Bretonne, en partance pour Bruxelles, on a envie de savoir ce qui se passe dans sa tête. Deux phrases eussent suffi. Rien de tel. N’est pas Stendhal qui veut ! Espérons que la prochaine fois Joss Doszen partira vraiment au loin et grandira.
Bedel Baouna