Mikiliweb | Diasporas d'ici et d'ailleurs

Le salon Livre Paris, “délinquant culturel” selon un collectif d'écrivains

Publié le Lundi 11 Février 2019
Le salon Livre Paris, “délinquant culturel” selon un collectif d'écrivains

C'est un refrain que l'interprofession connait bien : pas un salon du livre de Paris sans sa polémique. Après le mouvement des auteurs pour une rémunération de leurs interventions, en 2018, c'est dans un autre combat que se lance un collectif d'écrivains. Sous le titre « Non au “Young Adult” à Livre Paris ! », ils signent une tribune pour réclamer le retrait des termes anglais de la manifestation.

Sous le titre « Non au “Young Adult” à Livre Paris ! », un collectif d'écrivains et de personnalités du monde de la culture, dont Muriel Barbery, Tahar Ben Jelloun, Jean-Loup Chiflet, Teresa Cremisi, Catherine Cusset, Jean-Marie Laclavetine, Danièle Sallenave, Lydie Salvayre ou encore Leïla Slimani, demande au Salon du Livre de Paris de revoir sa signalétique et plusieurs dénominations de lieux ou d'événements dans son programme.
Le texte, publié en intégralité sur le site de Pierre Assouline et celui du Monde, évoque par le menu quelques-uns des intitulés que l'on peut trouver sur le site internet de Livre Paris, organisé du 15 au 18 mars Porte de Versailles. « Scène YA [pour Young Adult] », « Live », « Bookroom », « Photobooth »... Des termes anglophones pour désigner des réalités qu'il est possible d'exprimer en français, voilà ce qui hérisse la plume des auteurs et autrices signataires.
« Dans les rues, sur la toile, dans les médias, dans les écoles privées après le bac et dans les universités, partout, en fait, l’anglais tend à remplacer peu à peu le français — à la vitesse d’un mot par jour. Chacun le sait, et beaucoup d’entre nous l’acceptent comme si c’était le cours naturel de l’évolution, confondant la mondialisation avec l’hégémonisme linguistique. Mais même dans un salon du livre en France ? », indiquent les signataires de cette lettre ouverte.
Quelques lignes du Canard Enchaîné avaient déjà relevé ces termes anglophones, à l'issue de la conférence de presse donnée pour présenter le programme de la manifestation parisienne, et ces dizaines d'auteurs et d'autrices, mais aussi d'éditeurs n'hésitent donc pas à prendre la parole pour dénoncer un acte de « délinquance culturelle ».

Contre « l'uniformité linguistique mondiale »

« Ce “Young adult”, parce qu’il parle ici de littérature francophone, parce qu’il s’adresse délibérément à la jeunesse francophone en quête de lectures, est de trop. Il devient soudain une agression, une insulte, un acte insupportable de délinquance culturelle », affirment les signataires, qui parlent aussi de « seul véritable et indéniable “grand remplacement” », une expression habituellement utilisée par les militants d'extrême droite pour théoriser une immigration jugée dangereuse.
« Nous savons qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de mode, de modernité chic. Nous savons fort bien qu’il s’agit au fond de commerce et de mercatique, d’impérialisme linguistique pour mieux vendre partout les mêmes produits, de colonialisme culturel accompagnant la mondialisation économique », indiquent encore les auteurs de la lettre ouverte.
« Nous demandons aux responsables du Syndicat national de l’Édition et de Livre Paris d’exclure toute terminologie anglaise lorsqu’elle n’est pas indispensable », intiment les signataires, qui réclament aussi « au ministre de la Culture de veiller, avec bien plus d’énergie qu’il ne le fait, à la défense et au respect de la langue française dans sa sphère de compétences », ainsi qu'au ministre de l'Éducation une protection des Français les plus jeunes « face aux agressions croissantes de l’uniformité linguistique mondiale ».

“Une vigilance constante” contre l'anglophonisation de la France
Il n'a pas été possible d'obtenir de réaction du Syndicat national de l'édition ou de Reed Expositions, qui coorganisent l'événement. 
Reste à présent à voir si le public soutiendra ce mouvement comme celui des auteurs, l'année passée, qui avait notamment pu compter sur l'implication de vidéastes sur YouTube. Ces mêmes YouTubeurs qui pratiquent, notamment, le « Book Haul », une approche qui consiste à mettre en avant des livres, lus ou non, auprès de « followers », tout aussi bilingues, parfois à leur insu, que ces prescripteurs d'un nouveau genre. 

Antoine Oury - ActuaLitté

Catégorie
Photos
Cliquez sur les vignettes pour agrandir