
Le journal « Time Higher Education », basé à Londres, a établi le 31 juillet 2015 dernier le classement des 30 meilleures universités du continent africain. Les universités francophones y sont presque absentes. Analyse.
Fin de partie ! La Francophonie vient de subir un énième revers en Afrique. Les universités francophones sont moins performantes que les universités anglophones ou du Maghreb. Discuté au Sommet des Universités de l’Afrique, le Top 30 des universités africaines se base sur la liste préliminaire du Top 15 déjà publiée au début de cette année 2015. L’Afrique du Sud domine largement ce classement, suivie de l’Égypte avec six universités dans la table des 30, le Maroc et la Tunisie ont tous deux trois universités performantes. Seule l’université de Yaoundé, à la vingt-neuvième place du classement, sauve la face de la Francophonie.
Est-ce à dire qu’il devient inutile, en Afrique, d’étudier en français ? « Le français nous a fait don de ses mots abstraits - si rares dans nos langues maternelles -, où les larmes se font pierres précieuses. Chez nous, les mots sont naturellement nimbés d'un halo de sève et de sang ; les mots du français rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit », claironne Léopold Sédar Senghor. Et pourtant… « Il faut dire que depuis une dizaine d'années, ce tableau varie peu. Pourtant pris individuellement les " francophones" n'ont aucun complexe à se faire vis à vis de leurs collègues anglophones. Beaucoup de francophones sont recrutés dans les structures des universités anglophones. Le contraire n'est pas forcément courant. C'est vrai que le pragmatisme anglophone peut être plus audible que la finesse francophone. La querelle de préséance gagnerait à se résoudre sur fond de critères partagés », nuance Charles Zacharie Bowao, professeur de philosophie des Universités de Brazzaville et de Lille. Et de poursuivre : « J'avoue ne pas disposer du soubassement de la démarche dont ce classement des universités africaines serait la synthèse. J'imagine que parmi les critères d'admissibilité, on pourrait noter l'histoire, la géographie, les infrastructures d'enseignement et de recherche, les équipements, les publications, la renommée internationale, le nombre des brevets d'invention, les prix obtenus individuellement et collectivement, le rapport diplômés/emplois, la valorisation des résultats de la recherche, la compétitivité...»
Quoi qu’il en soit, le résultat du classement des universités francophones africaines est sans appel. Elles figurent en queue du peloton. L’instabilité politique des pays francophones africains peut aussi expliquer en partie ce manque de performances. La démocratie y est en panne, au contraire des pays anglophones - le Nigéria vient de donner aux dirigeants africains francophones une véritable leçon de démocratie, au moment où certains pays francophones distillent une image pitoyable de tripatouillage des Constitutions. Du coup, l’éducation, la formation et l’enseignement supérieur qui doivent faire la fierté d’un pays, en pâtissent. Peu de budget est alloué à ce secteur. Pour ne prendre que le cas du Congo-Brazzaville, c’est une honte immense que d’étudier à l’université Marien Ngouabi : moyens dérisoires, voire préhistoriques. La plupart des professeurs sont aussi des hommes politiques. Des farceurs, donc. Ils sont plus préoccupés par les postes ministériels que par la transmission du savoir. L’enseignement ne leur sert qu’à acquérir quelque légitimité intellectuelle. A cela, il faut ajouter le niveau très bas des étudiants et/ou des enseignants eux-mêmes. Sans compter le règne des faux diplômes. Triste Francophonie!
Bedel Baouna