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Congo-B : De la privatisation de l’État

Publié le Samedi 28 Mai 2016
Congo-B : De la privatisation de l’État

En faillite, l’État congolais n’est pas dirigé mais géré comme une entreprise privée. Décryptage.

 

Privatisation des entreprises publiques dirigés par des affairistes véreux, développement du mercenariat, règne des fondations privées, faillite du système éducatif au profit des écoles privées, système sanitaire préhistorique au profit des cliniques privées détenues pour la plupart par les membres de la famille royale, pillage des fonds publics par les dirigeants et leurs associés souvent étrangers, multiplication des commissions occultes, faible régulation de la société, extension galopante des économies informelles aux trafics criminels et affermage officiel d’activités régaliennes… Autant d’exemples qui illustrent un redéploiement des formes de l’action publique et des modes d’exercice du pouvoir étatique, qui prennent de plus en plus souvent les traits d’un « gouvernement indirect ». Le Congo-B, petit pays d’Afrique centrale de 4 millions d’habitants, à la végétation luxuriante, au sous-sol riche, est désormais en faillite. Les caisses sont vides. Et on emprunte à des banques privées dans des conditions qui restent obscures.

Il ne se passe pas un mois, une semaine, sans nouveau scandale financier. L’affaire qui oppose la société Maisons sans frontières à la société Elco Construction constitue une preuve irréfutable de cette privatisation de l’État congolais. Comment un opérateur économique peut-il se sauver avec un acompte conséquent, laissant travaux et salariés à l’abandon, puis revenir impunément réclamer d’autres sommes astronomiques ? Au Congo, il suffit de se lier d’amitié avec un ministre pour piller les caisses de l’État. Emmanuel Yoka, ex ministre de la Justice, ne dira pas le contraire, lui qui a annulé par une circulaire la décision de la Cour Suprême au profit de la société Elco Construction.

« Il ne faut surtout pas jeter l’opprobre sur les Communautés étrangères: la faillite du Congo résulte des autorités congolaises elles-mêmes. Elles préfèrent travailler avec les Libanais, Ouest-africains ou autres nationalités installées au Congo plutôt qu’avec les autochtones parce que les étrangers sont plus sûrs », remarque un sociologue congolais basé à Paris. Et de poursuivre que chaque ministre a ses Libanais et Ouest africains avec lesquels il est en affaires. Du coup, la majorité des marchés, y compris ceux de l’État, se trouve aux mains des particuliers. Jusqu’à une date récente, le marché des passeports se trouvait aux mains d’un étranger, ce qui a fait qu’on a retrouvé les passeports congolais à chaque coin de la planète. Ne maîtrisant rien, l’État congolais ne sert à rien, sauf à enfoncer davantage le Congo. Et, au-delà de sa réalité dictatoriale, c’est un État désorganisé, déliquescent, pour ne pas dire inexistant. La plupart de ses missions, régaliennes surtout, sont douteuses. Pour preuve, l’insécurité bat son plein dans les quartiers sud de Brazzaville, les milices y font la loi comme dans les années 1990. Chose impossible dans un régime normal, démocratique ou dictatorial. Oui, dans un pays où les populations sont menacées par des hommes et des femmes qui ne représentent pas l’ordre, ce pays-là est dépourvu d’un État digne de ce nom. Le phénomène des milices - les Bébés noirs, les 3232 et autres noms sataniques – ne peut s’expliquer que dans le contexte politique actuel. Aux abois, le pouvoir autoproclamé cherche à tout prix à maintenir le chaos pour qu’il soit appelé en renfort.  De sorte qu’il soit la cause et la solution. Le pompier-pyromane.    

Au Congo, durant les fêtes de fin d’année, les fondations rivalisent de philanthropie. Mais, derrière ces dons, se cachent en vérité un véritable pillage des deniers publics. Sous prétexte d’offrir des cadeaux à des populations malheureuses, les présidents de ces fondations soutirent beaucoup d’argent des caisses de l’État à leur propre profit. « L’état congolais, en quelque sorte, n’a rien d’un État, c’est une mafia budgétivore. Raser ce système est plus que jamais urgent », conclue Alexis M., juriste congolais.  

Bedel Baouna      

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