
La quinzième édition de Concours international de poésie qu’organise l’Université de la Sorbonne a décerné le Prix AUF de la Francophonie à Huppert Malanda pour son poème L’itinéraire du Bena silu. Extrait : « Il pleut dans mon cœur des libertés torrentielles / Mes espoirs fermés dans le poing comptent une marche de trois siècles/ J’ai marché depuis le cèdre jusqu’à l’hysope/ le temps avait l’épaisseur d’une feuille… » N’ayant pu se rendre à Paris pour recevoir son prix, c’est Marie-Alfred Ngoma de la Librairie Galerie Congo qui l’a représenté à La Sorbonne, le vendredi 26 juin dans la salle du Club des Enseignants. Depuis Brazzaville où il se trouve, Huppert Malanda a vivement remercié le jury d’avoir pris la peine de pénétrer sa poésie : « Je voudrai vous dire tout simplement combien je suis heureux d’être parmi vous, en esprit, et combien je suis ému de l’honneur que vous m’avez fait en me décernant ce Prix international de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) de l’Université Paris-Sorbonne.» Et d’ajouter, très ému : « Oui, la poésie, cette « magie suggestive » dont parlait Baudelaire, est le temple des béances métaphysiques ; elle est une irruption de métaphores aux héritages surréalistes… La poésie est un art de la parole ; la parole qui instaure et qui fonde(…) Elle chante les articulations du temps qui passe et qui demeure en chacun de nous, en interrogeant les quêtes illusoires de la vie. La poésie est le langage des dieux ; dans mes insurrections, elle est le largage du monde, le largage des civilisations trop soumises à la violence. »
L’itinéraire du Bena silu
Il pleut dans mon cœur des libertés torrentielles
Mes espoirs fermés dans le poing comptent une marche de trois siècles
J’ai marché depuis le cèdre jusqu’à l’hysope
le temps avait l’épaisseur d’une feuille
J’ai marché dans l’esprit des djinns
dans l’esprit des foulques et des tonnerres
sur la route les pierres se nourrissaient de soleils et de pluies
J’ai marché depuis Kongo dia Ntotila
jusqu’à l’intermittent clin d’œil de Nation et d’agonie
Ma terre fut un grimoire
un podzol de mémoire rugueuse comme le gypse
Nous fûmes le chant des arcatures de l’ombre
une dilection au cœur des éclipses et des fraternités
Et nous avons survécu à la traversée des insolences…
Je suis l’estuaire d’où le fleuve vient féconder des soleils levants
J’ordonne à mes vieilles inflammations zostériennes
Erigées péril de l’âme sur la trajectoire des lunes
J’ordonne au passé fermé à double tours dans les serrures de l’oubli
J’ordonne une nouvelle posture de salut et d’imputrescibles rêves
Rêve une trompette d’argent sur la crinière des bignonias
Rêve qui trémousse dans la pâleur de l’aube comme la cervoise
Rêve une cargaison de libertés soldées au prix d’une trahison
un tourniquet de matin herpétique
Les oiseaux voyagent dans leur chant
comme les fleuves voyagent dans les veines des continents
Les chênes voyagent cris de noctules à fleur de branches
des crépuscules éclatés jusqu’à la sudation de l’aube
Nos souvenirs voyagent depuis le cierge jusqu’à la flamme des âges d’or
J’ordonne que le Pays soit !
J’ordonne que mon Pays se lève et marche !
J’ordonne à mes insurrections inachevées
un destin qui culmine dans la fraîcheur de la rosée…
BENA SILU : expression en langue Kongo (en République du Congo) qui veut dire