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Dieu, solution de dernier recours et dérives

Publié le Jeudi 22 Janvier 2015
Dieu, solution de dernier recours et dérives

Au Congo, on compte plus d’églises que de bibliothèques ou salles de cinéma. Chaque semaine, une nouvelle église naît à tel point que l’on ne peut pas faire dix kilomètres, aussi bien à Brazzaville qu’à Pointe-Noire, sans entendre des prières ou des louanges. Il est vrai que, de tout temps, les congolais ont toujours entretenu des liens très forts avec le sacré et le surnaturel. La présence des divinités dans nos cultures et pratiques en témoigne! Mais, ce qui se passe, depuis quelques années, est tout simplement incroyable. L’on a jamais vu une telle déferlante vers les églises dans l’histoire du pays. On assiste à une véritable ruée vers la religion, une sorte de course à qui montrera une foi plus grande et plus zélée !

Ce renouveau de la religion est étroitement lié à l’avènement de l’ère démocratiquement au début des années 1990. En effet, pendant les années marxiste-léniniste, la religion était encadrée et seules quelques églises, catholique et  évangélique notamment, étaient autorisées. La liberté de culte ayant été rétablie par les nouvelles lois, les congolais se sont libérés de la contrainte idéologique et la religion a été le remplaçant idéal; les églises ont commencé à poussé comme des champignons. Elles sont qualifiées de réveil par opposition à celles dites traditionnelles considérées comme endormies ! Croire en Dieu devenait le nec plus ultra, tous les congolais étaient des frères et sœurs en Christ. Fini les églises silencieuses où les prières se faisaient dans le recueillement, place aux églises bruyantes avec prières et louanges à de niveau de décibel très élevé. Ce qui trouble les matinées dominicales du voisinage. Ces ambiances sont devenues un véritable palliatif pour les fidèles, en majorité anciens habitués des ngandas et des bars, qui dansent et chantent à la gloire du Tout Puissant. "La différence entre les églises de réveil et les bars, c'est qu'on trouve l'alcool chez l'un mais pas chez l'autre" s'indigne un citoyen sur les réseaux sociaux.

Cet élan religieux ne s’explique pas uniquement par la liberté retrouvée mais aussi par le contexte social de plus en plus difficile. L’état providence étant mort et le quotidien précaire, Dieu est devenu, pour certains citoyens, le dernier recours, la solution à tous les problèmes : études, travail, mariage et voyage à l’étranger. Ils prient, louent, adorent, jeûnent et font des offrandes juste pour satisfaire ces besoins.  L’affermissement de la foi et la recherche du salut ou de la vie éternelle sont le cadet des soucis des tenants de ces églises, qui parfois ne savent pas grand-chose de la bible.

Une fois le rêve de l’étranger concrétisé, les congolais voyagent avec cette façon de vivre et de croire. En France, pour ne prendre que cet exemple, on retrouve la même configuration mais avec des besoins différents. En hexagone, la régularisation  administrative, les papiers comme l'on dit communément, qui occupe première place des doléances adressées à Dieu. Que cela soit au Congo ou en France, on ne prêche plus que pour la réussite matérielle ou sociale et les campagnes de guérison miracle sont légion. Oubliant qu'il est dit dans la Bible " Cherchez premièrement le royaume de Dieu et la justice de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par dessus " (Mathieu 6:33)!

L’engouement pour la religion est aussi l'objet de toutes les dérives.  En effet, très mal encadré par les pouvoirs politiques, le secteur religieux est devenu une sorte de vache à lait pour tout aventurier sachant mémoriser et réciter les versets bibliques. Des pseudos hommes de Dieu, profitant  de la foi des croyants, abusent d'eux et s'enrichissent pendant que les fidèles restent pauvres. Pour certains, le berger occupe une place prépondérante de leur vie, aucune décision ne peut être prise sans leur approbation!

Tout n'est pas aussi sombre dans la religion, il existe des femmes et hommes qui prient et croient  avec sincérité pour la réalisation de l’œuvre de Dieu. Il serait inconvenant de les ranger dans le même panier que certains  dont les desseins ne sont que mercantiles! Les vrais chrétiens souffrent de cet amalgame. Ce qui, en même temps, n’étonne pas car ce qui se passe actuellement était déjà prévu. " Plusieurs faux prophètes s’élèveront  et ils séduiront beaucoup de gens" peut-on lire en Mathieu 24:11

Anthony Mouyoungui

 

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