
L’élection présidentielle du 20 mars prochain verra s’affronter neuf candidats, dont trois sont issus d’une même région : la Cuvette. Anguios Engambé ne faisant pas le poids, on se dirige vers un duel à couteaux tirés entre deux Généraux de l’armée, le sortant Denis Sassou-Nguesso et son principal challenger, Jean-Marie Michel Mokoko. Décryptage.
« Je préfère celui qui évite les guerres à celui qui les gagne », a dit Marion Mandzimba à Mbéri Martin dans un débat télévisé. Le juriste et prof de Droit faisait ainsi allusion à Jean-Marie Michel Mokoko, lequel a toujours fermé les portes de la guerre, au contraire de Denis Sassou-Nguesso qui, lui, ne vit que par et pour la guerre. Ce n’est pas parce que J3M a dénoncé sans détour les méthodes d’une autre époque dont fait montre le gouvernement et leur président Sassou, qu’il a dit « oui » à la guerre. Non, loin s’en faut. Jean-Marie Michel Mokoko n’est pas le Hector de L’IlIiade et L’Odyssée d’Homère mais celui, pacifiste, de La guerre de Troie n’aura pas lieu, de Jean Giraudoux. En homme d’Etat, il ne fera pas basculer la Cuvette, tout au plus le Congo, dans le chaos. Ce rôle sied à merveille à Denis Sassou-Nguesso, le guerrier infatigable. Car pour Mokoko, la seule guerre qui vaille la peine d’être déclarée, de toute évidence c’est celle des urnes.
Mais cette belle guerre, celle des urnes, doit être aussi libre que transparente, c’est pourquoi J3M a haussé le ton le jeudi 03/03 dans sa conférence de presse. J3M a mieux fait de le rappeler, il corrobore ainsi l’avis de l’Union européenne, laquelle dans un communiqué a boudé l’élection présidentielle du 20 mars prochain. La nouvelle loi électorale, en effet, ne garantit pas la tenue d’une élection claire, car elle confère au ministère de l’Intérieur le contrôle de l’élection.
Les Congolais ont besoin d’autre chose
Dans cette comédie tragique, Sassou apparaît comme Démokos, le chef des bellicistes. La preuve c’est qu’il a envoyé ce vendredi après-midi ses suppôts aller perquisitionner le domicile de Jean-Marie Michel MOKOKO. Comment peut-on comprendre que ses services convoquent J3M pour une énième audition le jour du lancement officiel de la campagne présidentielle ? Pourquoi tant de haine?
En vérité, son attitude s’apparente à celle du fanatique Démokos. Mais toute la grandeur de J3M est de se retenir aussi longtemps que possible. Chef militaire, Jean-Marie Michel Mokoko reste un Général victorieux, tant il évite la guerre. Il ne connaît que trop les horreurs de la guerre pour la déclarer, au contraire du candidat Sassou dont les motivations belliqueuses sont faussement héroïques ou patriotes. Il est clair que le candidat Sassou se livre une guerre contre lui-meme et que sa manœuvre est cousue de fil blanc. Hélas ! Le temps où il remportait les guerres de la Cuvette - : Ngouabi-Sassou ; Yhombi-Sassou ; Anga-Sassou, etc -, ce temps-là est révolu. Les Congolais ont besoin d’autre chose que d’entendre tout le temps le son de ses canons. Alors, la guerre qu’il souhaite déclencher contre Mokoko et qu’il veut à tout prix gagner, ne réside que dans sa tête. Car chercher la guerre sur la base d’une vieille vidéo dans laquelle on entend J3M évoquer clairement l’éventualité d’un coup d’Etat, ne constitue pas un argument crédible. J3M se serait-il déclaré candidat si l’envie de fomenter un coup d’Etat continuait de le tenailler ?
Non, la Cuvette ne sera plus le point de départ des hostilités sanglantes. En 1997, c’est de la Cuvette, plus précisément d’Owando, qu’étaient partis les affrontements entre milices mafieuses qui ont ensanglanté le sud du Congo. Sassou, toujours lui, alors opposant, se livrait une guerre avec Yhombi, ce dernier voulant se venger de l’humiliation de 1979. On connait la suite. Il se répand dans les rues de Brazzaville que l’actuel ministre des Finances ne doit son poste qu’à la guerre de la Cuvette de 1997 : sa mère aurait été assassinée par les miliciens de Sassou, dans un marché. Et, comme pour le consoler, Sassou lui aurait confié ce poste juteux, celui du ministère des Finances.
Le drame du candidat Denis Sassou-Nguesso, c’est de toujours considérer la Cuvette comme son fief inébranlable, sa chose, et que toute autre concurrence réelle doit y être réprimée. Aussi a-t-il sorti l’artillerie lourde pour stopper les velléités de l’autre Général issu de la Cuvette, Jean-Marie Michel Mokoko. Tout l’appareil de l’Etat est mis au service de ce qui s’apparente à une opération de neutralisation. Y parviendra-t-il?
Bedel Baouna