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Congo-B-Tribune–70 ans du Séminaire Saint Pie X-Makoua : l'effervescence du vide s’empare de l’église

Publié le Mardi 25 Juillet 2023
Congo-B-Tribune–70 ans du Séminaire Saint Pie X-Makoua : l'effervescence du vide s’empare de l’église

Juillet 1953 – juillet 2023, cela fait exactement 70 ans qu’a été créé le Séminaire Saint Pie X de Makoua. La cérémonie d’anniversaire s’est déroulée le dimanche 10 juillet 2023.

C’est par la circulaire N/Réf : 041/VAM/AO/22 signée le 26 septembre 2022 que l’Archevêque Métropolitain d’Owando, Mgr Victor Abagna Mossa, annonçait la mise en place d’un Comité d’organisation pour les 70 ans du Séminaire Saint Pie X de Makoua. La note avait été adressée à l’intention des amis de l’amicale dudit établissement, du peuple de Dieu ainsi que des femmes et des hommes de bonne volonté, pour se préparer à l’événement.

Situé dans le même périmètre que le lycée public d’enseignement général, le Séminaire Saint Pie X de Makoua accueille aussi bien les Congolais que les Africains de l’Afrique centrale. Pendant des décennies, le Saint Pie X-Makoua et le lycée furent les seuls établissements d’enseignement secondaire dans toute la partie septentrionale du Congo-Brazzaville. Ils constituaient donc un atout culturel majeur à partir du moment où certains séminaristes venaient des pays voisins, et que les élèves du lycée public venaient d’autres régions du Congo pour y effectuer leur scolarité. Ce mixage ethnique contribuait ainsi au rayonnement de cette localité située sur la ligne de l’équateur.

J’y ai moi-même passé ma scolarité. À tout le moins la question que je me suis posé pour les 70 ans de Saint Pie-Makoua est celle de savoir s’il fallait ou non fêter cet anniversaire. Pourquoi pas, après tout ? 70 ans, c’est pas rien. Seulement, j’ai quelque peu été rebuté par la manière dont l’événement a été organisé – il ne saurait en être autrement au pays de Sassou. Le Comité d’organisation aurait dû mener un travail de réflexion en amont, notamment celui de dresser un bilan. Et de ce bilan, devaient découler des projets : par exemple, la construction de nouveaux bâtiments, l’élargissement du parcours éducatif des futurs séminaristes, voire une création des filières d’enseignement supérieur ou des années préparatoires aux études supérieures. Ceci aurait pu se faire en étroite collaboration avec les autorités de l’État. Certains projets auraient même pu voir le jour lors de cet anniversaire. Et à terme, contribuer au désengorgement du grand Séminaire de Brazzaville. Rien de tout ça ! Mais à quoi m’attendais-je au fait ? À des miracles dont je sais pertinemment qu’ils ne se produisent jamais au pays de Sassou ? Sinon comment comprendre que depuis sa création, le Saint X-Makoua n’a connu aucune évolution tant sur le plan architectural que sur le plan des enseignements dispensés ? Les séminaristes, je les plains, sont scolarisés et résident dans des locaux datant de 1953, année de sa création, dans un pays pétrolier immensément riche. 

De toute évidence, le drame de Saint X de Makoua c’est de se trouver au Congo-Brazzaville, un pays où les autorités autocratiques s’immiscent dans tout, y compris dans les affaires religieuses sans y apporter de valeurs ajoutées. Cette omniprésence des politiques est telle qu’ils se sont même emparés de la direction du Comité d’organisation de ladite cérémonie. Mais leur boulimie ne s’arrête pas là. Sur les quelques images disponibles sur les réseaux sociaux, l’on peut apercevoir la présence ostentatoire d’Anatole Collinet Makosso, premier ministre prononçant des propos creux ; la présence de Firmin Ayessa, l’homme aux multiples casquettes factices (ministre et natif du coin), et celle de bien d’autres hommes politiques, léguant ainsi au second plan les autorités religieuses.

Comme à l’accoutumée, ces autorités autoproclamées se sont sans vergogne, adonnées à leurs activités préférées, les petits plaisirs, c’est-à-dire les activités festives, au point de déporter la fête dans le village natal de Firmin Ayessa comme s’il était le fondateur de Makoua, un village situé à des dizaines de kilomètres de Saint X-Makoua. L’occasion était donc propice pour la directrice du musée Savorgnan de Brazza, Belinda Ayessa (fille du ministre Firmin Ayessa), de s’afficher elle-aussi, de manière ostentatoire.

La probabilité que ces activités festives aient été financées par l’église étant faibles, il est fort à craindre qu’une fois de plus, les autorités politiques ont profité de cette occasion pour justifier des sorties massives d’argent du Trésor public congolais. Pendant ce temps, les Congolais demeurent ruinés.

En tant que Congolais, que l’on soit de Makoua ou de Louéngo, on est en droit de se demander ce qui reste de cet anniversaire. Absolument rien ! Cette jouissance à l’extrême n’est que le reflet de l’incompétence notoire des autorités congolaises à gouverner le pays. Cette intrusion des politiques dans les institutions religieuses est une véritable inceste et met à mal le principe de la séparation de l’église et de l’État.

Thierry-Paul IFOUNDZA,

Médecin Pneumologue, ancien élève du lycée de Makoua, écrivain.

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