
L'association Actions pour le Congo-Brazzaville avec Jean Marie Michel Mokoko-France (ACB-J3M-France) a suivi avec intérêt la conférence de presse commune de Serguei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, et de son homologue congolais Jean-Claude Gakosso. En l’analysant, l’écrivain et président en exercice de l’ACB-J3M, Thierry-Paul Ifoundza, s’est attardé sur le message ironique, inconsciemment ou consciemment, du ministre congolais des Affaires étrangères. Interview.
Pour vous, le message de Jean-Claude Gakosso est empreint d’ironie. Pourquoi ?
Thierry-Paul Ifoundza : Je rappelle les faits ! Un journaliste demande au ministre congolais des Affaires étrangères ce que représente pour lui cette première visite de Serguei Lavrov chez Denis Sassou Nguesso à Oyo. Sur le champ, avec un certain humour, Serguei Lavrov emboite le pas à son homologue congolais en l’invitant à répondre avec honnêteté. Prenant la parole, Jean-Claude Gakosso dit : « Avec sa grande expérience d'homme d’État, Sassou n'a peut-être pas connu le président Krouchev, mais a connu tous les présidents soviétiques et russes, à savoir Brejnev, Tchernenko, Andropov, Gorbatchev, Eltsine et maintenant Vladmir Poutine. Avec un tel palmarès, on est regardé comme une mémoire diplomatique… Cette visite est un grand événement... » Autrement dit, Serguei Lavrov serait venu au Congo pour solliciter les « conseils de Sassou »… Du sage Sassou ! Une référence en diplomatie, donc. Mais là où ça devient marrant, c’est que Jean-Claude Gakosso a employé l’adverbe de possibilité « peut-être ». Je le perçois comme une ironie : Sassou doit être âgé de plus de 100 ans pour avoir connu « tous les présidents soviétiques et russes ».
Jean-Claude Gakosso a ajouté que « chez nous, les Européens de l’Est comme de l’Ouest le savent, nous vénérons les anciens… On s'en remet à la sagesse des anciens »…
TPI : C’est certainement pour cette raison que les retraités sont maltraités au Congo. Sans blague ! Cette phrase, je la considère comme une antiphrase, donc participant de l’ironie. L’ancienneté ne garantit en rien la sagesse. Arrêtons avec les clichés du genre « un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ». Sassou est un ancien. En revanche sa sagesse n’est pas acquise : c’est de l’ordre de la chimère. Expliquer le déplacement au Congo d’une sommité russe comme Serguei Lavrov par la simple longévité de Sassou Nguesso au pouvoir, reflète une méconnaissance criarde de la géopolitique. Le séjour de Serguei Lavrov a eu lieu au même moment que celle d’Emmanuel Macron en Afrique. Le chef de la diplomatie russe y est allé uniquement pour rassurer ses partenaires africains après l'accord sur des couloirs sécurisés pour les exportations de grains d'Ukraine et de Russie. Le président français, lui, s’est déplacé jusqu’à Yaoundé pour tenter de ressouder ses liens parfois difficiles et distendus avec certains pays d’Afrique centrale, tentés par la Russie. C’étaient deux tournées africaines rivales. Que Jean-Claude Gakosso n’évoque pas une quelconque longévité au pouvoir ! C’est une honte que d’en parler, vu l’état comateux dans lequel son mentor a plongé le Congo.
Et le chaos libyen pour lequel Sassou est le président du Comité de Haut niveau ?
TPI : Un truc crée sur mesure. Se prenant pour un deus ex machina, il veut organiser au Congo une conférence internationale sur le conflit libyen sous son égide. Mais avec sa longue expérience pour reprendre Jean-Claude Gakosso, Sassou a résolu combien de crises ? Avec lui, c’est l’hôpital qui se moque de la charité. Qu’il commence construire ce qu'il a déconstruit au Congo ! Avec des prisonniers politiques qui croupissent dans ses geôles, entre autres tares, Sassou n’est pas un médiateur crédible.
Propos recueillis par Entrecongolais.com