
Nommé premier ministre le mois dernier, Anatole Collinet Makosso a prononcé son discours de politique générale ce lundi 21 juin au Palais des Congrès, devant l’assemblée nationale - qui a vu le retour de son président Isidore Mvouba. Une annonce de 12 batailles. Coups de griffes !
Douze batailles comme pour rappeler les douze travaux d’Hercule ! Douze batailles que va livrer le tout nouveau premier ministre du Congo.
Le verbe terne, sauf au moment de citer ceux qui font la fierté de la culture congolaise, Anatole Collinet Makosso a davantage versé dans l’implicite. D’une phrase à une autre, le sous-entendu était légion. « Un système de Santé qui appelle des réformes en profondeur », a-t-il estimé. Sous-entendu : le système de Santé congolais ne répond pas présent. Surtout en cette période de la Covid-19. Mais à qui la faute ? Le premier ministre a excellé dans le constat, en revanche il a zappé l’analyse et c’est là où le bât blesse. Or cette de analyse, sans doute aurait-il trouvé un élément de réponse au désamour que manifestent les Congolais pour le vaccin contre la pandémie. Au de lieu de ça, il s’est contenté de supplier les « honorables députés » de faire de la pédagogie sur les avantages du vaccin. Triste séquence d’aveu d’impuissance !
Autre sous-entendu : rendre la dette congolaise soutenable. Elle n’est donc pas soutenable, au moment où il prononçait son discours. Mais qui a fait que cette dette atteigne, selon les chiffres qu’il a avancés, 6000 milliards, soit 98% du PIB ? Alors, le premier ministre fait une suggestion (et non une détermination) de la ramener, dans la mesure du possible, à 70 %. Vaste programme doublé d’un travail herculéen.
« L’autorité de l’Etat ne se négociera pas »
Anatole Collinet Makosso a à peine survolé ce qui semble être sa méthode : le dialogue social. Il a abordé, le ton grave néanmoins, l’exercice du droit de grève qui « n’est pas tolérable lorsqu’il porte atteinte » à la vie, du moins à la santé des citoyens. Mais comme l’analyse le rebute, il ne dit pas ce qui pousse les infirmiers, entre autres, à entrer en grève. 23, 33, 53 mois sans salaires ! Est-ce humain ? Jamais dans son allocution soporifique, sans verbe d’action ni d’accomplissement, il n’a évoqué la galère des salariés ou fonctionnaires congolais. Pour lui, c'est la méthode Coué : tout va pour le mieux, circulez il n'y a rien à faire.
Sur les « bébés noirs » - même s’il n’a pas prononcé ces deux mots -, il a été ferme. Et très politicien. Car s’il a parlé des sanctions, de son désir violent d’éradiquer ce phénomène qui pollue la vie des Congolais, il a en revanche évité d’aborder la cause. Or il est urgent de convoquer les sciences humaines (sociologie, psychologie, etc) pour étudier cette délinquance juvénile. Au lieu de ça, on ressasse les sciences politiques. Complètement à côté de la plaque !
Il a martelé que « l’autorité de l’Etat ne se négociera pas ». Et de condamner les comportements déviants tous azimuts. On a envie de lui dire : « Chiche » ! Hélas ! Dans un pays où l'Etat a été privatisé, sa marge de manoeuvre est quasi-nulle. Est-il capable de mettre fin aux fonctions d'un ministre mis en cause dans des sacndales financiers? Dans cette même perspective, il a émis l’idée de réduire les voyages à l’étranger de ses ministres ou administrés, ce qui n’est pas mauvais en soi. Sauf que son prédécesseur avait eu la même intention sans avoir les moyens de la mettre en pratique, quand on sait que les ministres adorent voyager même pour un rien, pour jouir des frais de mission.
Bataille 12 : de la bonne gouvernance
Anatole Collinet Makosso a fait du fonctionnement de la démocratie sa huitième bataille. Son intention est noble. Mais l’intention ne fait pas un programme de gouvernance, a fortiori quand il s’agit d’une chimère. Il sait pertinemment qu’avec Sassou, la démocratie relève de l’illusion et on devrait avoir honte, du moins se gêner, avant de parler de "démocratie" au Congo.
Dans ses nombreuses illusions, il a évoqué la bonne gouvernance. Est-ce possible dans un pays peuplé de cupides, de voraces, etc ? Dans la mythologie grecque, « le douzième travail est particulièrement difficile. C’est en effet la dernière chance d’Hercule pour se débarrasser de son cousin. Ramener le chien Cerbère, gardien des enfers, non pas mort, mais bien vivant semblait être impossible ». Comment nettoyer les écuries d’Augias (neuvième travail d'Hercule) qui ont pignon sur rue au Congo ? Ce sont elles qui décident. Elles pillent, elles cadeautent ; elles font ce que bon leur semble. Ces écuries s’apparentent « au chien Cerbère, le gardien des enfers ». Difficile donc pour Anatole Collinet Makosso de sortir des « enfers » des écuries.
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